Cette situation de banditisme n’est pas née avec Arnel et ne sera pas terminée avec sa mort. Il faut reconnaître que depuis 1986, on a produit que ça, et c’est même devenu notre production nationale à nous. Pour le pouvoir on est prêt à tout. Pour le pays, pour les ancêtres, pour les enfants de la patrie on s’en fout. Arnel faisait peut-être chier dans sa couche lorsqu’en 1988, on a connu 4 présidents dans la durée d’une année. Alors, si en guise d’être quelqu’un de bien il est devenu un Brigand, c’est parce que ça a toujours été l’exemple à suivre. Le liquide, ça prend la forme du vase le contenant. C’est inutile d’essuyer ses mains dans la tunique d’un autre et lui couper la langue en vue de lui faire porter le chapeau. Car, à défaut d’identifier le sang par sa couleur, on le reconnait par son odeur.
Il est mort dit-on? Mais, a-t-on pensé au nombre d’opprimés, des enfants de rues qui sont en route de devenir Arnel à leur tour? Aujourd’hui, on croit dire qu’il existait un Arnel, mais qui pense au fait que la situation peut se présenter au point qu’on ne pourrait les énumérer à l’avenir ? A présent, vous ne trouvez pas bon d’investir une gourde en eux, demain vous disposerez des millions pour les appréhender. Ce n’était pas important de leur faire des écoles, pourtant ce sera le cas de leur construire des prisons. Si le problème était Arnel, comment expliquer que les gens ne pouvaient circuler alors que ce dernier était en taule ? Arnel était juste un pion, mais l'échiquier y est toujours.
Né, Arnel n’était pas Arnel. Le jeune haïtien est courageux, il est ce rêveur qui rêve qu’un jour son pays peut faire bon à vivre et qu’il pourra être libre d’accomplir ce qu’il veut au- dessus de la terre dans laquelle est planté son cordon ombilical. Le jeune haïtien est victime de fortes inégalités sociales dans un pays où on ne tient pas compte de son bien-être subjectif. Il est victime d’un cercle vicieux et infernal de pauvreté transmissible à chaque génération et qui menace son avenir et celui de la société.
Les jeunes sont victimes de la malfaisance et de l’animosité d’un système de politicards qui les mettent dans une situation où ils doivent choisir, soit de quitter le pays ou qu’ils aient recours aux armes. A vouloir leur oppresser, ce sont les oppresseurs qu’il faut descendre, pas les opprimés mal orientés. Il y a ceux qui portent des armes et ceux qui les distribuent. Ce petit Arnel va-nus pieds n'était pas plus dangereux que ceux tirés à quatre grosses poches dans l’administration publique.
On n’est pas né bandit, on le devient en fonction des conditions imposées. C’est la réalité des enfants dont la misère dérobe des bras parentaux pour ensuite être adoptés par des scélérats politiques qui les voient comme des pierres qu’ils jettent à volonté. Arnel n'était rien qu’un esclave qu’on a enrôlé pour détruire son propre peuple. C’est le résultat d’une colonisation mentale d’une bande d’amateurs et orgueilleux du pouvoir issus de la petite politique, dont l’objectif est de faire exactement ce que font les borgnes aux aveugles, à savoir : leur maintenir dans le noir pour mieux les diriger. A dire qu’on l’a tué, alors on en fait quoi des maîtres ?
C’est le rêve de tous les politiciens de nous faire des Arnels. Lorsqu’ils ne construisent pas d’écoles, ils veulent nous faire des Arnels. On leur sera pas utile si on ne devient pas un Arnel. C’est ça leur politique. Leur projet de société n’est autre que ça. La jeunesse ne doit pas se laisser faire. Les jeunes doivent se montrer plus intelligents pour ne pas se sentir victime et complice en même temps, comme Arnel.
En dépit de ses fureurs, la population n’avait pas dans son intention qu’Arnel soit son ennemi. S’il faut parler de victime, Arnel lui-même en était une. C’était peut-être malheureusement un enfant qui n’a pas eu d’encadrements. Un adolescent à qui on a donné une arme plutôt qu’un stylo et des instruments de géométrie. Un gamin avec le rêve un jour de devenir quelqu’un de bien et d’utile à son pays. Qui sait, peut-être que son désir le plus cher c’était de compter un jour parmi ses amis, des parlementaires et des ministres. Et ainsi il se dit: ″Dans un système de pourriture et de dérèglement, il n’y a pas d’autres moyens de me faire quelqu’un à être au service des parlementaires si je ne me fais pas un bandit à être sollicité pour le sale boulot.″
Arnel n’est pas mort, il en reste encore des milliers d’Arnels errant dans la nature ? L’heure n’est pas à une opération de goutte à goutte, mais de renversement totale de la vase, commençant par les Arnels du parlement, de la primature et de la présidence. La vie et l’avenir de millions de jeunes et d’enfants sont en péril. Il nous revient le choix d’investir pour qu’aucun d’eux ne soit laissé-pour-compte
Attention! Arnel c’est pas une personne, c’est un phénomène qu’il faut stopper. Ça se présentera sur d’autres noms : Barbecue, Odmar, Marozo ou autre, de même qu’il fut un temps ça a été Tije, Tèt Kale et autres. Qu’importe son nom et quel que soit sa forme, kidnapping, vol ou autre, c’est un système qu’il faut désherber. Alors oui, Arnel est toujours vivant.
Alce Mk Henry
Les Ecrits AMH
