Saturday, January 29, 2022

Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? | Alce MK Henry

Du temps que j'ai lu et que j'entends des hommes parlent, je retiens à l'esprit pas mal de choses que je ne serai pas près d'oublier. Il y en a qui sont des paraboles, des proverbes et d'autres qui sont simples comme lorsqu’on dit bonjour à quelqu’un. Et aujourd'hui je décide de partager 2 d’entre elles. Ces paroles sont tirées des discours de 2 hommes, pas de même calibre mais de même vocation. La première est de sa Sainteté le Pape Jean Paul II qui lors de sa visite en Haïti en Mars 1983 eut à dire que : Quelque chose doit changer ici. 

Tenant compte de l'époque où il a fait cette déclaration, l'homme en soutane a élevé sa voix et dit tout haut, ce que tout le monde au sein de la société murmurait tout bas. Le chef du Vatican montre qu'il ne porte pas sa robe seulement pour de belle toile. Je dirais même qu'en dépit de sa vocation, il a montré à tout le monde que peut-être qu’il ne peut pas aussi bien en faire usage comme tout homme, mais qu'un Pape a également des couilles. Ce fut en effet, une expression d'on en a assez, administrée au bon moment. Après plusieurs décennies, cette parole semble avoir toute sa place au sein des débats. Voilà pourquoi, aujourd'hui, je suis de ceux qui sont convaincu que, plus que jamais il faut que quelque chose change. 

La seconde déclaration est de l'Archevêque Louis Kebreau, à l'occasion de la cérémonie d'entrée au pouvoir du 56ème président d’Haïti SEM Michel J. Martelly, en la date du 14 Mai 2011. Ainsi, le leader ecclésiastique a posé cette question à l'homme assit désormais sur le trône de la république, lui regardant droit dans les yeux en lui demandant : Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? 

La question était pourtant simple mais le Tèt kale aurait tort de penser que le religieux voulait parler du calice contenant le vin de la messe. Ce que le musicien n’aurait surement aucun doute de faire. Le comédien pourrait même s’enchainer sur un ton hilarant en répliquant qu’il a commencé à prendre le pain et le vin eucharistique depuis qu’il est enfant, et que ça lui effraierait en aucun sens. De plus, cela s’avérait trop faible à défier le président du compas qui sans doute est déjà un ami trop fidèle au tafia. Mais ce qu’il oublierait peut-être c’est qu’il peut s’avérer facile de boire le calice, mais le boire jusqu’à la lie, c’est surtout ça le problème. C’est ce qu’a peut-être compris Mgr Kebreau lorsqu’il a pris soin de satisfaire lui-même sa requête. Ainsi il poursuit que : "Je veux croire que votre réponse sera certainement positive, mais avec bien sûr des conséquences auxquelles vous n'attendez pas". 

Ma démarche se veut de repeindre le tableau de ces idées mais sans les ajouter de filter. En effet, je ne veux rien apporter de dérangeant que leur retranscrire en de plus gros caractères, tout en supportant moi aussi que : 

QUELQUE CHOSE DOIT CHANGER.

Au regard des hommes sans avenir dans un pays sans avenir. Oui, faut-il bien que quelque chose change. Quelque chose doit changer pour qu'après leurs études, nos jeunes n’aient plus que leur diplôme à manger. Quelque chose doit changer pour qu'après avoir vécu plus de 30 ans dans ce pays, la seule opportunité offerte à eux c'est leur filer leurs pièces d'identité pour qu'ils aillent se faire foutre ailleurs

POUVEZ VOUS BOIRE A LA COUPE QUE JE VAIS BOIRE ? 

Cette question est de montrer que l'accession au pouvoir ne doit pas toujours être perçue comme un calice de miel mais plutôt de l'envisager comme une coupe amère. Cela ne se résume pas sur le fait de marcher toujours sur le tapis rouge, mais aussi de s'introduire dans des jours nuageux et ténébreux. Être élu, ce n’est pas devenir celui-là qui, pour faire montre sa gloire se fait escorter par une légion de sbires même pour aller au petit coin. L'arrivée au pouvoir, ce n’est pas de penser à devenir ce président qui s'aura si bien jouir de ses privilèges qu'il se verra acclamer même pour ses erreurs. Mais ce chef d'État devenu trop vieux pour son âge, à force de penser tellement à ses redevances envers son peuple. 

Trop souvent, à force de siroter leur nectar, certains élus croient que tout le monde vit comme eux aux coulées de lait et de miel. Pourtant, ils feraient mieux de faire la différence entre le fait qu'ils aient des abeilles à eux, et nous des guêpes sauvages. Sachant surtout qu'après qu'ils aient tellement tiré à la mamelle, la vielle vache n'en reste plus une goutte de lait. Je crois soutenir que rien ne s'avère être plus important que de penser à transformer cette coupe de chagrin et de tristesse en une coupe d'espérance, d'amour et de joie. Et s'il faut parler d'urgence, rien ne s'avérait être plus urgent que de faire disparaître à tout jamais cette coupe de privation, d'exclusion et de misère à laquelle s'abreuve ce peuple meurtri, humilié et bafoué. 

Monsieur le Président, la question à laquelle vous devez répondre est celle-ci : Pouvez-vous goutter à cette coupe de voir vos progénitures devenir des Kokorat (BIC)
Les Madan Sara jamais au repos, celles pour qui la lueur du jour et le noir de la nuit sont comme 2 mi-temps d'un même match de misère, votre femme pourrait-elle s'abreuver à de telle amertume ? Ces agriculteurs dans la vallée de l'Artibonite qui récoltent des rats plutôt que de riz. Un chef d'État qui se dit être un paysan, accepterait-il qu'une telle coupe s'approche de sa bouche ? Ceux-là qui s'aventurent advienne que pourra vers une destination Brazil ou Chili a tout prix (Valéry Numa) goutteriez-vous à la liqueur qu’ils s’abreuvent. 

Ces nôtres dont les Dominicains ont pissé dans leur coupe avec pour obligation d'en boire. Pardonnez-moi Monsieur le Président, mais boirez-vous à une telle coupe ? Ces haïtiens chez l'oncle Sam, dont malheureusement le TPS marche vers sa fin. Les victimes mais, malheureusement futurs payeurs des milliards du fond de Petro Caribe ; ces ouvriers qui travaillent en plein temps, mais qui n'ont tout de même pas un salaire minimum égal à $7 ; ceux-là qui en 2022 se trouvent situer entre l'application du code noir et le code du travail, boirez-vous à leur santé ?

Mesdames et messieurs leaders de mon pays, de telles coupes étancheraient-elles votre envie de boire ? Contrairement à l’Archevêque, je paris que votre réponse sera certainement négative. Alors pourquoi ne pas opter pour une coupe où tout le monde, dirigeants ainsi que le peuple pourront boire à la santé de l'un l'autre. Sinon je veux qu'on en finisse avec les discours de tête ensemble si l’un est forcé de boire le fiel et l’autre le miel. Ce n’est pas normal que des élus achètent des voitures aux enchères alors que les votants se cassent les pieds derrière les motards. Comment peut-on expliquer que les politiciens du pays aillent se faire soigner dans des hôpitaux à l'étranger alors que le peuple n'a pas de dispensaires. Comment est-ce possible que les gouvernants ont trop de vivres pour eux seuls alors que les gouvernés mangent leur faim. 

Si vous ne pouvez pas boire à la coupe que je vais boire, alors il faut bien que ça change.

Alce MK Henry
Les Ecrits AMH