Thursday, February 20, 2020

JE DANSERAI PAS UN CARNAVAL MÊLÉ DE CORRUPTION ET DE KIDNAPPING | Alce M. Henry


Si je demande: A QUOI SERT VRAIMENT LE CARNAVAL? Vous me répondrez que c'est, partir à la rencontre de sa bonne humeur et des éclats de rires, où des costumes et des couleurs chatoyantes se mélangent sous un air festif. Vous pourriez peut-être me demander en retour: "Pourquoi moi, je me joigne pas à vous?" D'autres me diront que c'est une fête nationale qui met en valeur l'histoire et la culture du pays. Ils avanceraient sûrement que les défilés, les danses et les déguisements en esclaves et en indiens sont formidables. J'imagine même que vous vous tâcheriez de me parler de sa portée économique à tout le monde vendant toutes sortes de trucs. Vous me présenteriez certainement l'image des gens qui au beau milieu de la foule se sont vu avec leur gilet de "Pap-pa-dap" et de "La-pou-la". D'autres qui dansent avec sur la tête leur petit panier de Papita, de Lambi etc. Si je tombe sur un "Ti blòdè", ce dernier manquerait pas de me conter les jouissances qu'il y trouve, avec bien sûr sa tête pleine de couleurs, me comptant une bien longue liste de meufs qu'il s’envoie en l'air.

Je pourrais peut-être vous redemander: Mais, pourquoi dans l’antérieur, certaines personnes ont l'habitude de se faire une préparation musculaire leur permettant de bien bomber leur poitrine et de bien gonfler leur Ponyèt dans l'objectif d'écrabouiller les sexy-boys? Pourquoi selon eux, il s'agit du moment opportun de régler le compte à l’ennemi. À cela, le delmafia qui marche sans son clan armé se retrouverait dans la merde (lap pran nan zizirit tou wouj). Tenez, ce type-là se fait armer de sa machette ! Le voyez-vous ? C'est quoi ce liquide dans la seringue à injection dans sa main? À quoi sert ce poignard accroché à la ceinture de cet homme? Mais putain, pourquoi a-t-il une arme à feu, est-il de la police? Sans nous engueuler, notre discussion se verrait donc terminer. Navré que vous ne puissiez plus jamais m'inviter à votre fête.


J'en appelle à la franchise, bannissons l'hypocrisie et soyons sincères. Qui, en dehors de toutes appartenances religieuses n'aimerait pas dissoudre ses problèmes, et son stress quotidiens dans de plaisirs si intenses? Quel malade n'aurait pas aimé être guéri sous l'effet d'une thérapie de ce genre? Soyons sérieux messieurs, si pour l'humain la musique est contagieuse; quel haïtien peut se permettre de rester inébranlable tout simplement sous le battement d'un tambour? Azor se réveillerait tout de suite pour m’en donner le nom. Des fois, il est clair qu'on souhaite faire bonne impression, mais on sait au fond de soi que son cœur bat au même rythme que la basse. Il suffit d'un "EYA PAPA" de #RoudyRoodboy et d'une métaphore de #Vwadèzil pour se faire un #Djakout de régal. Me concernant, provenant de la zone Septentrionale, un "GADON DJAZ N'ON PEYI TONÈEE!!!" de maestro Ti blanc suffirait pour me faire jeter dans un #Vibe d'Anbyans et me pousser d’aller KOTE PLEZI A YE. Vous doutez de ma chrétienté, ça c'est sûr, mais à vous maintenant de répondre: "OU PA RENMEN'l VRE?"
 
Tenant compte de ce qu'on a à offrir en termes de couleurs et de chaleurs. Une belle et singulière histoire à chanter (raconter) et une culture à exhiber, je crois qu'Haïti a manqué à sa chance de courtiser le monde avec son carnaval. C'est pas avec un défilé de chars qui s'élancent l'un contre l'autre des propos corrosifs d'une polémique qui ne respecte même pas la vie privée d'autrui qu'on peut rassembler le peuple. Une activité qui à sa tenue fait compter un petit lot de cadavres ne fait pas de publicité pour le pays. Au contraire, ça tue l'image du pays. Quoi de plus ironique que pendant 3 jours, l'on a comme impression de vivre dans le plus beau pays au monde, puis peu après, les mêmes problèmes se réapparaissent. Mettez absent devant mon nom, je danserai pas ce carnaval de corruption et de kidnapping !

Le carnaval où des femmes se libèrent de leurs sous-vêtements pour faire de l'hélico, sous la direction de l'artiste qui crie tout bêtement : KITE PEYI’M MACHE ! Le carnaval où l'artiste lui-même est un esclave à talent qui n'est pas libre de chanter ce qu'il veut, et où il est demandé de complimenter les erreurs de l’administration au pouvoir question de récolter une tête de camion sonorisée. Le carnaval où un ancien président s'est tiré à 4 épingles que sont: sa petite culotte, une paire de chaussette et son mouchoir rose, et se lance tout droit et à plusieurs KE dans le cul de la presse. [Pardon, je répète après mon chef d'Etat. En plus, c'est la spécialité de notre carnaval, non?] Le carnaval où des Sénateurs s’alignent au côté du peuple en bon perdant dans un refrain de BARE YO, même si ça se défilait dans le salon de chez moi, j'en voudrais pas. Et même si on me paierait pour y assister, jamais j’y prendrais part. Le peuple trouvera une bonne raison de faire la fête, après qu’il trouve les voleurs du fond public et qu’il veillerait à leur jeter en tôle.


Je m’insurge contre un carnaval de sauvage qui se fait rien que pour dissiper de l’argent. On ne sait plus où on est. Tout le monde boit, tout le monde fume, on a comme l'impression que tout le monde s'est envoyé en l'air. On recule comme on se bouscule. Tout se mélange, tout se balance, tout se confond. On est blessé, et on s’en rend même pas compte. Les mains en l'air, on avance les yeux fermés en mode: LAGE'M SOU DO MANMAN, comme des fourmis qui se jettent dans du sirop fielleux. Droit devant, il y a un égout à ciel ouvert, mais on s’en fou. Dessus du camion, l'artiste a la tête contre une charge à haute tension, on s'en contrefiche. Du coup, ça fait un gros BOUM ! On est dans le noir. À vrai dire, on est dans la merde. On court comme des fous. Les jambes prises au cou. À droite, il y a la mer. À gauche, une impasse. La voiture policière sécurisant le parcourt, n'a même pas de par brises. On est tellement affreux qu’un masque d'halloween ne ferait pas plus d’effet que notre propre visage.

J'ai déjà vu un carnaval où la logistique a décidé de dresser un mur en tôles en vue de cacher une montagne d'immondices, plutôt que l’enlever. J'ai déjà connu un carnaval où on a décidé de retirer les lampes dessus de la chaussée après le mardi gras. J'ai déjà entendu parler de ce carnaval endeuillé qui a fait plusieurs dizaines de victimes, blessés et tués inclus. Et je souhaite pas vivre un carnaval qui serait forcé de terminer telle une confrontation civile d'une soirée de la purge. Je pourrais peut être voir de bon œil un carnaval du livre. Un carnaval de compétition musicale et artistique au vrai sens du terme. Un carnaval qui prône une certaine valeur morale. Je veux aussi parler d'un carnaval qui convie au pays des profits économiques et touristiques. Mais, un carnaval qui coûte à la nation des centaines de millions, alors que l'éducation n'a pas un sou, sans parler de la santé et de la sécurité publique, j'en veux pas. Un carnaval qui ne pense pas à faire passer un message d'espoir et de charité aux enfants des rues et aux handicapés..., non merci. Merci beaucoup pour le bien.


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