Tuesday, September 29, 2020

Haïti : Les Salauds Ont Mis Le Feu A Mon Paradis | Alce M. Henry

S’il est vrai que ces paroles traduisent la colère du peuple haïtien face à la normalisation du chaos de l’insécurité qui sévit dans le pays, il faut préciser que ces mots forts sont les propos tirés de la chanson du célèbre artiste africain de la Côte d’Ivoire, Seydou Koné, alias Alpha Blondy. Il n’y a pas d’autres expressions pouvant décrire cette situation de panique et de peur généralisée qui marque le quotidien de l’haïtien sur sa propre terre. Haïti est devenu un pays qui ne fonctionne pas. En guise d’avancement, c’est plutôt une terre de recule avec une économie de dérèglement et de chute, et où la seule chose qui marche est peut-être la surévaluation du dollar au dépend de la gourde.

Le paradis haïtien est devenu un espace de famine, et où de l’eau potable constitue un véritable luxe. L’abaissement du prix du dollar ne fait pas chuter le prix des produits de premières nécessités. C’est un pays où le drapeau semble être la seule chose qui monte et qui descend. Bien qu’à croire au langage de la rue, il y’en a forcément une autre qui monte et descend tous les jours. Mais à cela, il vaut mieux demander à l’académie du Chawa de le nommer.

La terre de Dessalines est devenue un Etat sans état de droit. Un pays sans état d'âme et sans état de vivre. Haïti a Peut-être toujours été un pays avec des gouvernements corrompus, ne garantissant pas les droits de la population à la nourriture, à la santé et à l’éducation, pour ce qui est des plus fondamentaux. Mais la dernière impression qu’on a eu d’elle, c’est qu’en ajoutant à tout cela, c'est un pays qui ne garantit tout simplement pas le droit à la vie à ses citoyens. On est dans une situation où la police demande à ce qu’on lui protège de l’insécurité. La justice de l’injustice, et le gouvernement de la corruption qu’il produit lui-même. La population quant à elle vous dit: Qu’on est en Haïti, mais pour ce qui est de vivre, il faut voir ailleurs. Pour la simple raison qu’en Haïti, on existe mais qu’on ne vit pas.

Ce pays qui allait connaitre sa troisième année de pays lock se voit passer une année de 2020 en majeur partie dans le confinement, dû au coronavirus. Ce qui ne change pas vraiment grande chose lorsqu’on sait que de toute façon, pays lock, il en aurait avec ou sans Covid. La seule différence c’est peut-être le gouvernement qui en tire sa paix, par le fait que la population s’est forcée de se mettre en quarantaine plutôt que de se retrouver dans les rues pour se manifester. Mais si pendant ce temps, le président et ses ministres pouvaient dormir un peu, côté du peuple, on n’a jamais été autant encré dans de la guerre. En guerre contre cette pandémie qui veut nous faire la peau. En guerre contre la famine et contre le blackout. En guerre contre l’insécurité et surtout en guerre contre nous-même.

Après le coronavirus, le monde reconnaitra avoir mis en terre une bonne partie de sa population humaine. Mais il faut tout aussi reconnaitre qu’en Haïti, le virus mortel n’a jamais été Covid, mais celui de la politique qui panique et qui tue à l’instar du virus de Wuhan. Et si le monde peut encore espérer un vaccin, pour ce qui est de se guérir, le cas haïtien est semblable à une situation désespérée, tel un malade comateux à l’approche de sa mort.

Le peuple résilient qui a su rester debout après le séisme de Janvier 2010, pour ensuite tenir tête à l’épidémie de choléra n’a pas succombé au Coronavirus. Pourtant c’est loin d’être le cas par rapport aux associations de malfaiteurs envers qui on ne peut montrer autant de robustesse. Ce qui veut dire que pour nous protéger, ce n’est pas des masques de visage qu’il nous faut, mais des gilets pare-balles et bien sûr, des masques anti-gaz.

Haïti est devenu une terre de prolifération de gangs, et on a même touché au stade de compter chez nous, des enfants soldats enrôlés dans des camps de rebelles. On leur a pris leurs livres et leurs cahiers, en leur invitant de gagner l’avenir au moyen des armes. En leur ôtant leurs stylos et leurs instruments de géométrie, ils seront ces ingénieurs qui traceront le plan de leur maison au moyen des instruments balistiques. Ces planteurs qui pour récolter, feront usage de leurs fusils plutôt que de leurs outils agricoles. Oui, c’est la réalité d’un patient en état de disgrâce. Alors, voulant faire preuve d’un peu de perspicacité, on ferait mieux de rappeler à Toto Bissainthe d’être prête pour chanter et crier, dèy o !

Journalistes pyromanes, politiciens mythomanes, prêtres corrompus et Imams vendus, selon Alpha Blondy, tels sont ceux qui ont incendié sa terre paradisiaque africaine. Une réalité qui semble ne pas être différent par rapport à la façon que s’est organisé le système politique et social auquel la jeunesse haïtienne en a ras-le-bol. Ces gens bêtes et méchants qui ont mis le pays à feu et à sang. On ne le dit pas, mais chez nous, le gouvernement ferme des écoles pour ouvrir des prisons. Lorsqu’un enfant ne peut pas être à l’école pour aspirer à être quelqu’un d’utile à soi-même et à son pays, c’est mettre du feu à son avenir et à ce qui pourra être son paradis demain.

La terre saigne et on dirait même qu’il pleut du sang sur le sol national. C’est un pays où s’il faudrait nationaliser tous les deuils, le drapeau se trouverait constamment en berne. L’insécurité n’est plus une question de Port-au-Prince ou de la zone métropolitaine. C’est désormais généralisée, au point de manquer de respect à une zone, le seul fait de ne pas reconnaitre qu’elle soit en possession d’un petit groupe de bandits. Par conséquent, l’avenir est peut-être là, mais il est impossible de l’apercevoir au travers des fumées de caoutchouc ou des émissions des gaz lacrymogènes. Il est encore plus difficile d’entendre la raison dans une atmosphère perpétrée de bruits de balles.

Les salauds ont mis le feu à mon paradis. C’est le cri des écoliers, des enfants qu’on ne cesse de déclarer être l’avenir du pays, mais qui voient leur avenir partout sauf au pays. C’est un cri de désolation et une volonté de forfait de celui qui vient tout juste de commencer. Sur ce, l’enfant est lui aussi en guerre contre le système éducatif qui, en guise de l’aider dans la préparation de son avenir, veut le lui prendre à tout prix. Voilà pourquoi, leurs parents se manifestent d’un côté et eux, à l’autre en déclarant : vouloir vivre et s’emparer du pain de l’instruction.

Tant vaut l’école, tant vaut la nation dit la maxime. En effet, l’on a des raisons de croire que la société haïtienne contemporaine ne pourrait qu’être le résultat des choix qu’on a fait jadis au niveau de notre système scolaire. Et par rapport à ce que c’est que l’éducation de nos jours dans notre pays, c’est loin d’être une question de pessimisme, mais il vaut mieux nous épargner les idées de l’espoir d’un avenir meilleur si ceux considérant être le lendemain ne sont pas pris en compte et traités en tant que tels.

Haïti est un paradis volé au peuple par les scélérats politiques et partagé avec la bourgeoisie, de manière que la poule ne se glousse pas en lui arrachant les plumes. L’enfer vécu par ce peuple ne signifie pas pour autant la non-existence de cet eldorado. Il est là, habité par les riches et les politiciens qui préfèrent le bruler plutôt que le lui rendre au peuple. Il suffit au peuple libre de retrousser ses manches et se le rapatrier. Il ne peut pas y avoir de paradis au beau milieu d'un enfer. Une oasis, ça existe dans le désert mais pas en enfer. Au peuple libre il revient de choisir entre le paradis pour quelques un ou l’enfer pour tous.



Alce M. Henry
Les Ecrits AMH

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