Saturday, September 19, 2020

Le Foot a Ses Raisons Que Les Fans Ignorent

 

La sélection haïtienne de football donne l’impression d’une équipe qui est en train de se réconcilier avec ses fans. Mais quelques fois, après une réconciliation, il faut attendre un peu pour voir combien ça peut durer. Mes vieux amis ne m’ont pas parlé des surnoms donnés aux joueurs de la génération des années 70. Pour avoir remporté le championnat des nations de la Concacaf en 1973, et pour être qualifiée pour la phase finale de la coupe du monde de 1974. J’ignore comment on a surnommé Manno Sanon pour son joyau de but lui permettant de mettre fin à l’invincibilité du portier italien (Dino Zoff). Mais j’ai vu les prouesses que font les gens à l’égard de Donald Guerrier aux Cayes. 

J’ai vu les actions d’éclats à l’occasion du retour au bercail de Saba, de Djimmy Bend et Clerveaux. Je ne peux ignorer qu’il y avait toute une différence dans l’accueil. Mais ça m’a aussi permis de voir à quel point ce peuple passionné du foot souhaiterait entendre que le bruit de la venue de ses enfants fasse le même écho. De la différence, il y en avait, mais ça fait d’abord partie des mécontentements éprouvés par les gens pour n’avoir pas eu l’occasion d’aller chercher l’équipe dans son ensemble à l’aéroport.


Au regard du soulèvement instantané et national des supporters à envahir les rues après l’exploit des grenadiers face au Canada (3-2), j’ai affirmé que le football à lui seul est capable d’un profond changement en Haïti. Et pour confirmation, j’ai attendu qu’ils soient sacrés champions. Bah bref, vous connaissez l’histoire du penalty scandaleux mettant fin à ce rêve. L’équipe a été privé de la finale, mais on s’en fou. Pour nous ils sont champions sans le trophée et ils méritent encore mieux. Ils nous ont fait tellement rêver que les filles s’en contrefichent que Nazon soit un homme marié. Il reste malgré tout leur ″Ti diri san pay″. De Brazil et d’Argentine, on est plus fans. Messi et Ronaldo peuvent raccrocher leurs crampons, on a nos propres stars.


Mais attention la terre en Haïti est parfois glissante, et malheureusement les grenadiers semblent oublier d’ôter leurs crampons de leurs pieds avant de fouler le sol. Connaissant le niveau d’émotivité de ce peuple qu’on est, j’ai bien peur qu’ils vont se faire tomber, et fort.


La majorité de nos joueurs ne sont pas nés en Haïti. Donc, ils aiment, jouent et se sacrifient pour Haïti, mais ne connaissent pas vraiment Haïti. Dans ce pays, on vous aime comme on vous déteste. On vous crie VIV à l’aube et, ABA à la tombée de la nuit. Et pour rester amoureux par ce peuple, il faut avant tout rester aux côtés de ce peuple, comprendre et vivre avec ce peuple. Vous arrangez aux côtés de ses ennemis peut faire aussi de vous un ennemi. Et à la fin de la journée, vous vous retrouverez dos à dos contre ceux pour qui vous avez fait couler sueur et sang.


Nazon, Guerrier et Saba se sont pris dans le collimateur de nos leaders arrivistes et trop opportunistes. Naomi Osaka s’était aussi prise dans le même piège. A mon avis, ils ne sont pas conscients de ce qui se passe réellement. Sinon, lorsqu’ils se réalisent qu’ils risquent de s’être forcés d’aller recevoir la prochaine phase du championnat de la ligue des nations ailleurs, et s’être privés de leurs supporters parce que tout simplement en dépit de leurs efforts on ne se dispose pas d’un stade de standard international chez nous, ils crieraient à leur tour : KOT KOB PETRO KARIBE A ?


Entre la politique et le sport il y’a eu toujours une histoire d’amour assez compliquée. Mais la FIFA fait en sorte que la politique reste la politique, et le sport, le sport. Pas de mélange possible. En ce qui nous concerne, je ne crois pas que les joueurs méritent d’être lapidés pour avoir accepté l’invitation du palais national. Ils pourraient décliner ainsi qu’accepter, mais ils n’ont pas décliné. De toute façon, ça ne doit pas engager l’équipe nationale. Se sont que des joueurs tout distinctement, et le capitaine n’y était pas. Bien que l’un des principes du foot selon Zidane c’est, de gagner et de perdre en équipe. L’individualité ça vient après s’il y’a lieu. Tous les footballeurs savent que le ballon, c’est comme une femme, ça aime les caresses, dit Eric Cantona. Les grenadiers doivent savoir qu’en Haïti, le peuple est comme le ballon, il vous supporte et attend que vous supportiez aussi sa cause.


Apres seulement une semaine qu’on espérait qu’ils nous mènent en finale de la coupe d’Or pour la première fois depuis qu’on regarde jouer les grenadiers. Les voilà jeter dans le même sac que nos politicards qui ne laissent jamais rien passer. Mais, méritent-ils un tel traitement ? Est ce qu’on n’est pas quelque part un peu trop méchant dans nos jugements ? A défaut qu’ils refusaient l’invitation, cela n’arrangerait-il pas l’affaire de l’opposition qui ne laisse non plus passer la moindre chose? 

Le football, c’est un peu pas comme la politique. Et en équipe nationale, les supporters et les joueurs ont le même intérêt. Au moins eux, ils nous ont rendu fiers et nous ont fait rêver. Ils nous relèvent la tête, là où la politique l’abaisse. Mais, peut-on comme ça tout ignorer et considérer la situation comme disent toujours les gens dans le monde footballistique : c’est le football, il faut tout oublier et avancer de l’avant ?


Alce M. Henry
Les Ecrits AMH


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